L’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle: L’ESFP
Qu’est-ce qu’un ESFP ?
L’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ou ESFP) est une procédure de contrôle par laquelle l’administration va vérifier la cohérence entre, d’une part, les revenus déclarés et d’autre part, la situation patrimoniale, la trésorerie et les éléments de train de vie du foyer fiscal.
La procédure doit durer au maximum un an. Elle aboutit, le cas échéant, à un redressement du revenu personnel du contribuable. Le revenu professionnel est exclu du champ d’application de la procédure dès lors qu’il peut faire l’objet d’une vérification de comptabilité.
C’est une procédure contradictoire, par laquelle l’administration a l’obligation d’engager un débat avec le contribuable concernant les points sur lesquels elle envisage une vérification. Comme toute garantie offerte au contribuable, elle doit être à même de démontrer que toutes les formalités ont bien été respectées.
Dans les textes, l’ESFP est considéré comme non contraignant car aucune sanction ne peut être prononcée à l’encontre du contribuable en cas d’opposition.
Cependant, à partir du moment où l’administration interroge nos clients sur leur situation personnelle, il est difficile de ne pas considérer ces questions comme contraignantes.
Comment se déroule une procédure d’ESFP ?
Comment s’ouvre une procédure d’ESFP ?
L’article L. 47 du Livre des Procédures Fiscales (LPF) précise que la procédure s’ouvre obligatoirement par l’envoi d’un avis au foyer fiscal qui va être contrôlé.
L’avis doit, sous peine de nullité, mentionner au contribuable
La possibilité de se faire assister d’un conseil de son choix ;
L’administration fiscale doit nécessairement respecter un délai raisonnable avant la mise en œuvre du contrôle pour laisser le temps au contribuable de choisir un conseil. La jurisprudence préconise un délai de deux jours
Le principe de limitation à un an de la procédure d’ESFP ;
L’indication précise des années soumises à contrôle ;
La Charte du contribuable vérifié, ou la possibilité de la consulter sur internet.
L’avis peut également mentionner le nom et le grade du supérieur hiérarchique du vérificateur ainsi que l’interlocuteur départemental, ou une demande des relevés bancaires du foyer fiscal.
Dans cet avis, l’administration fiscale demande au client de lui communiquer tous ses relevés bancaires dans un délai de 60 jours.
Si au terme de ce délai les relevés ne sont pas transmis l’administration exercera son droit de communication et demandera aux banques de les lui communiquer. En effet, grâce à la base de données FICOBA, le fisc connait les banques et les numéros des comptes de tous les contribuables (mais pas le contenu de ces comptes).
Combien de temps dure une procédure d’ESFP ?
L’article L. 12 du LPF limite la durée de l’ESFP à un an entre la date de la réception de l’avis par le contribuable et la proposition de rectification qui clôture la procédure de contrôle.
Il existe cependant trois cas de prorogation : le délai d’un an est augmenté :
Des délais accordés au contribuable pour répondre à des demandes d’éclaircissements ou de justifications au-delà des 2 mois qui lui sont impartis pour fournir les pièces justificatives, soit pour préciser, dans les 30 jours d’une mise en demeure, une réponse insuffisante à une demande d’éclaircissements ou de justifications ;
Des délais nécessaires à l’administration pour découvrir et obtenir auprès des banques les relevés que le contribuable n’aura pas fournis ;
Lorsque l’administration fiscale met en œuvre l’assistance administrative internationale, dès lors qu’il existe à l’encontre du contribuable une présomption de disposition de revenus de source étrangère.
Dans ces trois cas, le contribuable doit être informé par écrit des raisons de la prorogation avant l’expiration du délai d’un an.
Le délai est directement porté à 2 ans dès lors :
Qu’une activité occulte est découverte lors du contrôle ;
Que dans le délai d’un an initial, le ministère public communique les données à l’administration fiscale à l’occasion d’une instance devant les juridictions civiles ou pénales.
Le contribuable doit forcément être informé par lettre recommandée avec accusé de réception du motif du rallongement du délai.
Où se déroule un ESFP ?
Aucune disposition légale n’impose un lieu. La principale restriction est le domicile du contribuable, afin de ne pas contrevenir aux règles sur les perquisitions.
L’administration fiscale prévoit qu’il doit normalement avoir lieu au service des impôts. Sur demande du contribuable, elle peut avoir lieu dans les locaux de son entreprise ou dans ceux de ses représentants : son avocat, son comptable, par exemple.
Matériellement, quelques jours après l’envoi de l’avis d’ESFP, l’administration fiscale convoquera par courrier LR/AR le client à un rendez-vous.
Quelles sont les modalités pratiques de l’ESFP ?
L’ESFP est avant tout l’analyse des relevés bancaires du client. L’administration va comparer les crédits bancaires avec les revenus déclarés. En cas de discordance importante, elle pourra interroger le client sur les raisons de cette discordance.
Qu’est-ce qu’une discordance importante ? C’est ce qui est communément appelé « la règle du double », elle doit excéder :
le double de des revenus déclarés,
de 150 000 € le montant des revenus déclarés.
C’est à l’administration d’apporter la preuve de cette discordance. Si elle l’apporte, elle peut alors demander au client de justifier des raisons de cet écart par des demandes d’éclaircissements et de justifications. Ces demandes portent sur des points délimités par la loi :
la situation et les charges de famille (certificats de scolarité, inscription dans une faculté, carte d’invalidité) ;
les charges déduites du revenu global ou ouvrant droit à une réduction d’IR ;
les avoirs ou revenus d’avoirs détenus à l’étranger ;
les revenus fonciers ;
les gains de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux ;
les plus-values immobilières ou sur biens meubles ;
le montant du revenu, lorsque le service des impôts a réuni des éléments permettant de présumer que l’intéressé a pu avoir un revenu plus important que celui qu’il a déclaré.
L’absence de réponse à ces questions permet à l’administration de mettre en œuvre une procédure de taxation d’office. En clair, elle va taxer tous les crédits bancaires non justifiés.
Au fil des entretiens, le vérificateur est tenu de communiquer au contribuable les comptes-rendus des échanges. A chaque fois que le contribuable apporte un document, il recevra un récépissé de remise et/ou de restitution.
Le vérificateur, est tenu, sous peine de nullité de la procédure, de restituer l’intégralité des documents au contribuable avant l’envoi de la proposition de rectification.
Que se passe-t-il si la discordance n’est pas importante (du double) ou n’excède pas 150 000€ ?
Alors l’administration devra établir une « balance de cohérence ». C’est à dire qu’elle devra comparer le train de vie du contribuable avec les revenus qu’il déclare.
Pour ce faire, elle doit connaitre le train de vie de ce dernier. Sa première source d’informations sera les débits bancaires mais ensuite elle s’attachera à « faire parler » le contribuable ( … « ah! vos enfants vont dans une école privée. Oui, je connais Saint-Marie de la Croix de Bois, cette école est très chère n’est-ce pas? » …. « Vous êtes parti à Marrakech cet hiver ? C’est une très belle ville. Vous étiez dans votre Rhiad? »…..).
L’idée étant, pour grossir le trait, qu’il n’est pas possible à une personne ayant des dépenses très importantes de vivre avec uniquement le SMIG.
Il est donc vivement conseillé dans une procédure d’ESFP de ne limiter ses réponses qu’aux seuls crédits bancaires, l’administration n’ayant pas juridiquement le droit d’interroger nos clients sur les débits et/ou sur leurs dépenses.
Comment se clôture un ESFP ?
Le service des impôts doit porter le résultat du contrôle à la connaissance du contribuable, même en l’absence de redressement. L’administration doit donc adresser, soit une proposition de rectification, soit un avis d’absence de rectification. Il ne sera plus possible à l’administration fiscale de contrôler cette période, sauf en cas de flagrance fiscale, ou de découverte d’éléments prouvant la mauvaise foi du contribuable.
A la suite de l’ESFP, et en cas de proposition de rectification, le contribuable aura 30 jours à compter de la notification de la proposition de rectification pour faire parvenir ses observations à l’administration.
Conclusion
Ainsi, dans la pratique, cette procédure de contrôle, parce qu’elle suppose que l’administration connaisse parfaitement la situation personnelle de nos clients est souvent vécue comme une immixtion dans leur vie privée. Il est donc non seulement important de ne savoir répondre qu’aux questions posées mais aussi de pouvoir déterminer quand celles-ci sont en dehors du cadre légal et n’appellent pas de réponse.